Ils s’appellent Igor, Yuri, Alexander, Rustem, Nikolaï, et encore Yuri et Rustem et Zinaida et Lyudmila, sept garçons et deux filles. Ils ont entre 21 et 24 ans et sont étudiants à l’Institut polytechnique de Sverdlovsk, dans l’Oural. Alpinistes très expérimentés, ils partent le 23 janvier 1959 à l’assaut du mont Kholat Syakhl, un sommet situé dans la partie septentrionale de l’Oural et dont le nom d’origine mansi signifie « montagne morte ». Ils s’en vont à la fois gais et confiants comme on l’est à 20 ans, mais aussi conscients des dangers, extrêmement préparés et équipés.
À leur retour, programmé quinze jours plus tard, ils envisagent de reprendre leurs études, auréolés de leur défi réussi et portés par cet optimisme post stalinien que le début de l’époque Khrouchtchev insuffle. Sauf qu’ils ne reviendront jamais, et aujourd’hui encore, ce drame sans témoin reste l’un des cold cases les plus célèbres au monde. Leur tente a été retrouvée vide, sous la neige, rangée et prête pour un dîner, mais la toile a été volontairement déchirée de l’intérieur au couteau, comme s’il avait fallu fuir dans l’urgence.
À quelques centaines de mètres de là, les corps des étudiants sont découverts : deux d’abord, puis deux autres, puis les derniers des semaines plus tard, tous peu vêtus pour des températures avoisinant les – 30 °C, et tous sans chaussures, certains avec des blessures graves. Après les investigations, le mystère reste entier et l’affaire est classée le 28 mai 1959 : « Une force irrésistible inconnue doit être tenue pour responsable de la mort des randonneurs. »
Donnie Eichar, producteur et réalisateur américain, s’est passionné pour cette histoire. Son livre Dead Mountain est le fruit d’une longue enquête et mêle trois chronologies : celle du parcours des randonneurs, entre le 23 janvier et le 1er février 1959 ; celle de l’enquête menée par les autorités soviétiques entre le 12 février et le 29 mai 1959 ; et celle de son propre voyage, en 2012, glissant ses pas dans ceux de ces jeunes Russes, plus de cinquante ans plus tard.
Jusqu’à reconstituer, dans le dernier chapitre, les ultimes heures de cette nuit de février 1959, photos et journaux des randonneurs, rapports météorologiques, preuves et conclusions scientifiques des experts à l’appui. Déchirant comme une jeunesse fauchée en plein élan. […] DÉCOUVRIR LE NUMÉRO
Publié dans la
Revue des Deux Mondes
Avril 2025
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