Considéré comme élitiste, puriste et féroce, Angelo Rinaldi est l’un des plus grands critiques littéraires de notre temps. Stéphane Bernard, le fondateur des merveilleuses Éditions des instants, a eu l’excellente idée de réunir en un seul volume cinquante-huit chroniques de l’académicien parues dans un hors-série de L’Express en 1990. Le recueil est divisé en cinq parties, « Un peu », « Beaucoup », « Passionnément », « À la folie », « Pas du tout », chacune précédée d’un extrait de l’entretien que Rinaldi donna à Pierre Boncenne dans Lire en octobre 1980.
On effeuille volontiers la marguerite avec l’auteur qui, à ce propos, préfère Yourcenar à Duras, le fier classicisme marmoréen de l’aristocrate aux formules à l’emporte-pièce de la pétroleuse dont il n’applaudit pas les « brouillons laconiques et cependant si bavards ».
Quantité d’écrivains raffinés et subtils figurent parmi les engouements inconditionnels de Rinaldi, dont Jean Rhys, Paul Léautaud, Flannery O’Connor, Jorge Luis Borges et Alexandre Vialatte. À coups de métaphores délicieusement ad hoc, il distingue la singularité de chacun sur le plan littéraire, voire politique. Qu’on en juge par la pertinence de cette remarque : « Trop généreux pour être vraiment de droite, Vialatte est plutôt un conservateur que navre le mauvais choix des choses conservées. »
Les Roses et les Épines d’Angelo Rinaldi,
Éditions des instants, 272 p.,
21 €
Sceptique à l’égard des avant-gardes dont il déboulonne la mécanique éculée, la plupart des « nouveautés » à la mode relevant de ce que les Anglais qualifient joliment de presque-déjà-vu (sic), il s’amuse à secouer les piédestaux d’idoles contemporaines assez mal arrimées : Philippe Sollers, « Bel-Ami hypertextuel et paragrammatique » ; J. M. G. Le Clézio, « Saint-John Perse délavé » ; Alain Robbe-Grillet et le Nouveau Roman, « épisode de l’éternelle littérature mondaine où cuistres, oisifs et impuissants s’illusionnent sur eux-mêmes en se raccrochant à l’élaboration de recettes ».
À l’instar de William Somerset Maugham, Rinaldi enchâsse dans chaque critique un portrait en creux de l’auteur, le situant du même coup à sa juste place dans le panorama littéraire. On a envie de lui donner toutes les qualités qu’il attribue à Jean Cocteau : la légèreté, la grâce, l’élégance, le panache, sans oublier l’humour. Toutes ces chroniques sont des pages mémorables où l’esprit du Grand Siècle est pimenté par la sagacité du Corse à qui on ne la fait pas. […] DÉCOUVRIR LE NUMÉRO
Publié dans la
Revue des Deux Mondes
Avril 2025
Achetez ce numéro pour poursuivre votre lecture ou connectez vous à votre compte abonné
© Éditions des instants